Communauté et circularité : une recette de succès à Mbokhodane

L'école élémentaire de Mbokhodane.

L'école élémentaire de Mbokhodane.

Mbokhodane, un petit village situé dans la région de Diourbel au Sénégal, est le cœur d'un projet passionnant d'économie circulaire. Cette initiative innovante, lancée en 2023 par l'Union des producteurs agricoles Développement International ( UPA)* et le Fonds Solidarité Sud** en partenariat avec l'Union régionale des associations paysannes de Diourbel (URAPD)*** vise à impulser un nouveau modèle d’alimentation scolaire.

* UPA Développement international (UPA) est un organisme de bienfaisance qui mise sur le développement de l’entrepreneuriat agricole familial comme modèle durable alliant intérêts économiques, écologiques, individuels et collectifs. Elle concentre son appui aux organisations professionnelles agricoles (OPA) démocratiques et à la structuration du secteur agricole et agroalimentaire des régions où elle intervient. L'organisme est présent dans une quinzaine de pays d’Afrique, d’Asie, des Caraïbes, du Moyen-Orient et d’Amérique latine.

** Le Fonds Solidarité Sud (FSS) est une organisation de solidarité internationale et une fondation. En solidarité avec des communautés du Sud, le Fonds Solidarité Sud soutient des initiatives citoyennes en les aidant à solidifier leur développement économique local, leur financement propre et leur transition sociale-écologique.

*** L'Union régionale des associations paysannes de Diourbel (URAPD) est un regroupement de 36 groupements qui appuie les exploitations familiales du Département de Bambey au Sénégal.

Élimane Diouf, coordonnateur du projet URAPD.

Élimane Diouf, coordonnateur du projet URAPD.

Ce modèle améliore non seulement les conditions d’apprentissage des enfants des familles agricoles locales, mais renforce aussi l’économie locale : les plats sont préparés à partir de produits achetés sur place, les femmes du village sont rémunérées pour leur travail, le site est électrifié grâce à des panneaux solaires et les femmes ont accès à des équipements leur permettant de développer leurs activités économiques.

L'école élémentaire de Mbokhodane.

L'école élémentaire de Mbokhodane. Crédit : Mariétou Diallo

L'école élémentaire de Mbokhodane. Crédit : Mariétou Diallo

Notre périple commence dans les locaux de l’URAPD à Diourbel où Élimane Diouf, le coordonnateur du projet, nous accueille. Ensemble, nous parcourons les 7 km nous séparant de Bambey pour atteindre Mbokhodane afin de rencontrer les élèves et le personnel de l'école élémentaire du village.

Habibatou Thiaw, 11 ans en classe de 6ème année.

Habibatou Thiaw, 11 ans en classe de 6ème année.

C’est dans une atmosphère calme et studieuse que je rencontre Habibatou Thiaw, 11 ans en classe de 6 ème année. Alors que j’observais la jeune fille se diriger avec anticipation vers la cantine, elle me confie: « J'attends les jours de cantine avec impatience, car les repas sont délicieux et ça me donne de l'énergie pour apprendre. »

Habibatou, comme ses camarades, voit ces moments comme une pause enrichissante, une opportunité de savourer des plats nutritifs préparés par les femmes de son village.

Les cuisinières s'afférent à préparer des repas sains et nutritifs.

Les cuisinières s'affairent à préparer des repas sains et nutritifs. Une large variété de légumes est disponible sur le marché local et permettent de composer des menus riches et variés ( Oseille, tomates, oignons, tamarin, poissons...) Crédit : Mariétou Diallo

Les cuisinières s'affairent à préparer des repas sains et nutritifs. Une large variété de légumes est disponible sur le marché local et permettent de composer des menus riches et variés ( Oseille, tomates, oignons, tamarin, poissons...) Crédit : Mariétou Diallo

Vision et dévouement de Diouma

Diouma Sène, coordonnatrice de la cantine scolaire et présidente du collège des femmes de l’URAPD.

Diouma Sène, coordonnatrice de la cantine scolaire et présidente du collège des femmes de l’URAPD.

En suivant Habibatou, je croise Diouma Sène, coordonnatrice des cuisinières et présidente du collège des femmes de l’URAPD. Diouma, une figure de leadership, m'explique son rôle crucial dans la gestion de l'approvisionnement local et dans l'organisation efficace de la cantine. Elle et le comité de gestion ont instauré un système bien rodé qui non seulement nourrit les enfants, mais travaille également à assurer l'autofinancement et la pérennité financière du projet.

Un travail d'équipe

Diouma m'invite à observer le comité d'achat en action au Louma de Bambey, un marché hebdomadaire où tous les vendeurs de la région se retrouvent. Composé de femmes expérimentées, le comité d’achat se rend au marché de Bambey pour sélectionner des ingrédients frais; « Nous avons deux cohortes; chacune gère la cantine deux jours par semaine. » explique Diouma. La coordination n’est pas aisée en raison des tâches ménagères et champêtres des femmes, mais la fierté dans sa voix est palpable.

Diouma et le Comité d'achat au marché Louma de Bambey.

Aprés avoir élaboré un menu nutritif, Diouma et le comité d'achat se rendent au marché Louma de Bambey pour acheter les denrées locales nécessaires à la préparation des repas. Crédit : Mariétou Diallo

Aprés avoir élaboré un menu nutritif, Diouma et le comité d'achat se rendent au marché Louma de Bambey pour acheter les denrées locales nécessaires à la préparation des repas. Crédit : Mariétou Diallo

La tontine du groupe des cuisinières de Mbokhodane 

Dans sa définition la plus technique, la tontine est un système d'épargne collective où un groupe de personnes met en commun leurs ressources financières afin d'investir ensemble dans un actif, qu'il soit financier ou matériel, avec la particularité que la propriété ou les bénéfices reviennent à un ou plusieurs membres sélectionnés parmi les participant-e-s.

À Mbokhodane, chaque membre y dépose mensuellement 6000 FCFA (14 $). Tous les mois, trois femmes différentes se partagent le total et chacune dispose de 38 000FCFA (87$) afin de mener des activités économiques (achat de semences, achat de céréales pour revente au détail, effets scolaires des enfants, etc.).

Les cuisinières préparent les légumes

Les cuisinières préparent les légumes dans la cuisine pour le repas de la cantine. Crédit : Boubacar Cissokho

Les cuisinières préparent les légumes dans la cuisine pour le repas de la cantine. Crédit : Boubacar Cissokho

Les femmes sont contentes du salaire qu’elles perçoivent et partagent avec moi l'impact de ce revenu sur leur vie; « Sans ce salaire, je serais probablement obligée d’aller travailler à Dakar une partie de l’année pour subvenir aux besoins de la famille. » confie une cuisinière.

La rémunération qu’elles reçoivent leur permet non seulement de rester au village, mais également de se doter d’une tontine, un mécanisme d’épargne collective qui soutient les projets des femmes, fortifiant ainsi l'économie locale.

Un regard sur la nutrition

Rejoignant Habibatou pour le repas, je constate l'enthousiasme des enfants pour les plats sains et savoureux. Les enfants font également leur part et avancent en procession pour la distribution des plats. Pour beaucoup d’entre elles, les mamans sont là et les jeunes filles me confient en souriant : « Nos mères font partie des cuisinières et nous sommes fières de manger ce qu’elles préparent. »

Les repas, basés sur des produits locaux, jouent un rôle essentiel dans la santé des jeunes élèves, surtout ceux et celles qui vivent loin et devaient auparavant marcher 1 à 2 km pour aller manger à la maison le midi.

Les élèves participent également à la distribution des plats.

Les élèves participent également à la distribution des plats. Crédit : Boubacar Cissokho

Les élèves participent également à la distribution des plats. Crédit : Boubacar Cissokho

Distribution des repas. Crédit : Boubacar Cissokho

Distribution des repas. Crédit : Boubacar Cissokho

Un renforcement de la communauté éducative

Mamadou Cissé ( deuxième à gauche) et ses collègues enseignant-e-s. Crédit : Mariétou Diallo

Mamadou Cissé ( deuxième à gauche) et ses collègues enseignant-e-s. Crédit : Mariétou Diallo

La cantine attire non seulement de nouveaux élèves, mais aussi des enseignant-e-s. Le directeur Ali Ngom et Mamadou Cissé, enseignant en classe de 6ème année soulignent combien la cantine est devenue un pilier de leur établissement, aidant à stabiliser et même augmenter le nombre d'élèves et à améliorer l'offre éducative grâce à l'électricité, qui illumine les salles de classe et facilite l'accès aux technologies.

Une imprimante alimentée par l'énergie solaire.

Les enseignant-e-s disposent dorénavant d'une imprimante alimentée par l'énergie solaire et qui permet aux élèves de ne pas avoir à recopier les exercices au quotidien. Crédit : Mariétou Diallo

Les enseignant-e-s disposent dorénavant d'une imprimante alimentée par l'énergie solaire et qui permet aux élèves de ne pas avoir à recopier les exercices au quotidien. Crédit : Mariétou Diallo

Une communauté transformée

En quittant l'école, je réfléchis à l'impact profond de la cantine sur Mbokhodane. Chaque femme, chaque enfant, chaque enseignant-e contribue et bénéficie de ce projet d'économie circulaire. Les 20 femmes qui préparent ces repas deux fois par semaine sont la colonne vertébrale d'une initiative qui nourrit non seulement les corps, mais aussi les esprits, forgeant un avenir prometteur pour tous.

Les enfants partagent les repas autour de grands plats.

Les enfants partagent les repas autour de grands plats. Crédit : Boubacar Cissokho

Les enfants partagent les repas autour de grands plats. Crédit : Boubacar Cissokho

Nathalie McSween, coordonnatrice du Fonds Solidarité Sud et Mariétou Diallo, spécialiste conseil en communication international, ont été mandatées par le programme de coopération volontaire d'UPA Développement international auprès de l'URAPD du 17 juin au 6 juillet 2024 .